Tout est sous contrôle Hugh Laurie Docteur House
Tout est sous contrôleHugh Laurie
- Roman (poche). Paru en 05/2010
"Tout comme le Dr House, Thomas Lang a un caractère de chien. Mais c’est un type bien. Quand on lui propose 100 000 dollars pour tuer un riche homme d’affaires, non seulement il a l’indécence de refuser mais il tente en plus de prévenir la future victime. Une bonne intention ? L’enfer en est pavé.
Hugh Laurie, né en 1959 à Oxford, est l’acteur principal de la célèbre série Dr House. C’est sous pseudonyme qu’il a envoyé à un éditeur anglais le manuscrit de Tout est sous contrôle, son premier roman.
« Une réjouissante comédie policière » Libération
« Un ton si sarcastique qu’on jurerait qu’il est signé du Dr House en personne. » Le Parisien
Traduit de l’anglais par Jean-Luc Piningre"
EXTRAIT DU LIVRE :
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1
J’ai vu un homme, ce matin,
Qui ne voulait pas mourir
P. S.ÞSTEWART
Imaginez que vous deviez casser le bras de quelqu’un.
Le gauche ou le droit, aucune importance, la question
étant de passer à l’acte, faute de quoi… enfin,
qu’importe également. Disons seulement que, sinon, ça
risque d’aller mal.
Le problème est en réalité le suivantÞ: allez-vous
au plus vite – cracÞ! oh, désolé, laissez-moi vous mettre
une attelle, monsieur – ou faites-vous traîner l’affaire
pendant huit bonnes minutes, en procédant par minuscules
poussées, certes de plus en plus fortes, jusqu’à ce
que la douleur devienne verte et rose, glacée, brûlante,
et finalement insupportable au point de le faire gueuler
comme un veauÞ?
Eh oui, bien sûr. C’est évident. La chose à faire, la
seule chose à faire, c’est d’en finir le plus rapidement
possible. Cassez-moi ce bras, payez la tournée, soyez
un bon citoyen.
À moins que.
Que, que, que…
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Et si vous détestiez la personne au bout dudit brasÞ?
Ou, plus précisémentÞ: si vous la haïssiez graveÞ?
Je devais maintenant y réfléchir.
Je dis maintenant, mais en réalité je veux parler d’un
moment passéÞ; le moment situé une fraction de seconde
– quelle fraction, cependantÞ! – avant que mon poignet
arrive aux environs de ma nuque, et que mon humérus
gauche se brise en deux éléments plus ou moins faciles
à recoller. Deux, voire beaucoup plus.
Parce que le bras dont on discute, voyez, c’est le
mien. Pas le bras abstrait de quelque philosophe. L’os,
la peau, les poils, la petite cicatrice blanche à la pointe
du coude, cadeau d’un radiateur à accumulation de
l’école primaire de Gateshill – tout ça, c’est à moi. C’est
aussi le moment où je me demande si cet homme dans
mon dos, qui me serre le poignet et le pousse avec un
zèle quasi érotique en haut de ma colonne vertébrale…
eh bien, si cet homme ne me haïrait pas. S’il ne me hait
pas carrément.
Car il n’en finit pas.
Nom de famille Rayner. Prénom inconnu. Enfin moi,
je ne sais pas et, par conséquent et de toute manière,
vous non plus.
Je suppose que quelqu’un, quelque part, le connaît
– l’a baptisé ainsi, l’a gueulé dans l’escalier à l’heure
du petit-déj’, lui a appris à l’épeler – et d’autres l’ont
certainement crié dans un bar pour lui offrir un verre,
ou murmuré pendant l’amour, ou l’ont inscrit dans la
bonne case d’un formulaire d’assurance-vie. Je sais
qu’ils ont fait ça. J’ai juste un peu de mal à me le représenter.
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Rayner avait sans doute une dizaine d’années de
plus que moi. Ce qui ne pose en soi aucun problème.
J’entretiens des relations chaleureuses, sans bras cassés,
avec quantité de personnes de cet âge. Pour l’ensemble
des gens admirables, d’ailleurs. Mais il était en outre
plus grand de sept centimètres, plus lourd de vingt-cinq
kilos et, en unités de violence, disons au moins huit de
plus que moi. Plus laid aussi qu’un parking, avec un
grand crâne chauve, plein de creux et de bosses, qui
ressemblait à un ballon rempli de clés à molette. Il avait
également un nez de boxeur, qu’un tiers encore avait
probablement aplati de la main gauche (ou du pied
gauche), et qui serpentait sous un front mal dégrossi.
Dieu tout-puissant, quel frontÞ! Chacun en leur temps,
briques, couteaux, bouteilles et divers arguments rationnels
avaient rebondi sur cette vaste surface en ne laissant
que d’infimes empreintes entre des pores profonds
et très espacés. Les pores les plus profonds et les plus
espacés que je pense avoir jamais remarqués sur une
peau humaine. Ça me rappelait le golf municipal de
Dalbeattie à la fin du long été sec de 1976.
Sur les côtés, nous découvrons que les oreilles de
Rayner ont jadis été mordues, arrachées et remises en
place, la gauche étant franchement à l’envers, ou sens
dessus dessous, suffisamment pour qu’on l’observe
un certain temps avant de conclureÞ: «ÞAh oui, c’est une
oreilleÞ!Þ»
Par-dessus tout ça, au cas où vous n’auriez pas pigé,
il portait une veste en cuir noir sur un col roulé de
même couleur.
Mais, bien sûr, vous aviez pigé. Il aurait pu s’envelopper
de soie miroitante et mettre des orchidées dans
ses cheveux, les passants inquiets l’auraient payé avant
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de se poser la question de savoir s’ils lui devaient de
l’argent.
En ce qui me concerne, je ne lui en devais pas. Rayner
fait partie d’un groupe très sélect à qui je ne dois
rien du tout et, si ça s’était passé un peu mieux entre
nous, je lui aurais suggéré, à lui et ses semblables,
d’adopter un style de cravate particulier, comme les
membres d’un même club. Avec pour motif des chemins
qui se croisent, peut-être.
Mais comme je l’ai déjà dit, ça se passait mal.
Un certain Cliff, professeur manchot de combat à
mains nues (oui, je sais, il n’en avait qu’une, de main,
mais la vie est comme ça, très rarement) m’a appris que
la douleur est une chose qu’on s’inflige à soi-même. On
peut nous faire toutes sortes de misères – nous frapper,
nous poignarder, essayer de nous casser le bras –, mais
la douleur, nous la créons tout seuls. Et donc, selon
Cliff qui, après deux semaines au Japon, se croyait
autorisé à vendre de telles conneries au prix fort, on
est toujours capable de la faire cesser. Une veuve de
cinquante-cinq ans l’ayant tué depuis au cours d’une
bagarre dans un pub, je ne pense plus avoir l’occasion
de lui souffler dans les bronches.
La douleur est une réalité. Quand elle vous tombe
dessus, vous vous débrouillez au mieux.
Mon seul avantage était que, jusque-là, je n’avais
produit aucun bruit.
Il ne s’agit pas de courage, comprenez bien, tout simplement
je n’en avais pas trouvé le temps. Jusqu’alors,
Rayner et moi avions rebondi sur les murs et les meubles
dans un silence viril émaillé de sueur, en lâchant
quelques grognements pour indiquer que nous étions
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concentrés. Toutefois, à cinq secondes de l’évanouissement
ou de la fracture, il était temps d’introduire un élément
nouveau, et émettre un son fut la seule chose qui
me traversât l’esprit.
Donc, respirant profondément par le nez, je rapprochai
celui-ci autant que possible du visage de mon
agresseur, je retins un instant mon souffle, puis je poussai
ce que les artistes martiaux japonais appellent un
kiai, que vous définiriez sans doute par «Þbruit retentissantÞ
» – ça ne serait pas trop tiré par les cheveux –, mais
un cri d’une intensité à ce point aveuglante, choquante,
«Þputain mais qu’est-ce que c’étaitÞ?Þ», que j’en fus le
premier effrayé.
L’effet sur Rayner fut celui escompté puisque, se
déportant malgré lui sur le côté, il a relâché mon bras
pendant un douzième de seconde. J’en ai profité pour
lui balancer un méchant coup de boule, assez fort pour
sentir le cartilage de son nez s’ajuster sur l’arrière de
mon crâne, tandis qu’une moiteur soyeuse se répandait
sur mon scalp. Levant alors le talon vers son entrejambe
pour lui racler l’intérieur de la cuisse, j’ai fait
connaissance avec un appareil génital d’une taille quand
même impressionnante. À la fin du douzième de
seconde, Rayner ne me tenait plus du tout le bras, et je
me suis rendu compte que j’étais en nage.
Me détachant de lui en dansant sur la pointe des
pieds comme un vieux saint-bernard, j’ai cherché autour
de moi quelque chose qui me serve d’arme.
Ce tournoi pro-semi-pro d’un seul round (un quart
d’heure) avait pour cadre un petit salon de mauvais
goût à Belgravia. Comme tous ses confrères, à chaque
fois sans exception, l’architecte d’intérieur avait fait un
travail absolument épouvantable mais, à cet instant, son
penchant pour les objets lourds et portatifs s’accordait
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bien avec le mien. Jetant mon dévolu sur le bouddha
de quarante-cinq centimètres qui ornait la cheminée,
j’ai découvert avec plaisir que ses ridicules esgourdes
offraient une prise satisfaisante à ma seule main valide.
Agenouillé par terre, Rayner vomissait tripes et boyaux
sur le tapis chinois, dont les couleurs s’amélioraient à
vue d’oeil. J’ai pris position, un peu d’élan et, me ruant
sournoisement sur lui, j’ai frappé l’os tendre derrière
l’oreille gauche avec le socle de la statuette. Le choc a
produit un son mat, de ceux que seuls émettent les tissus
humains dans ce cas, et Rayner a roulé sur le flanc.
Je ne me suis pas donné la peine de vérifier s’il respirait
encore. Cruel, peut-être, mais c’est ainsi.
J’ai essuyé quelques gouttes de transpiration sur mon
visage en me rendant dans le couloir. J’ai prêté attention
aux bruits bien que, s’il y en avait eu dans la maison
ou au-dehors, je ne les aurais pas entendus, puisque
mon coeur jouait les marteaux-piqueurs. Ou peut-être y
avait-il un vrai marteau-piqueur dehors mais, dans ce
cas, j’étais trop occupé à aspirer de grosses valises d’air
pour le remarquer.
Ouvrant la porte d’entrée, j’ai senti une petite bruine
froide me tomber dessus, se mélanger avec ma sueur,
adoucir la douleur dans mon bras, et tout diluer au passage.
J’ai fermé les yeux et laissé l’eau ruisseler sur
ma peau. C’était une des choses les plus agréables qui
me fussent arrivées à ce jour. Vous me direz que j’ai
mené une existence misérable – je vous répondrai que
le contexte a ses raisons.
Refermant la porte sans la verrouiller, j’ai fait quelques
pas sur le trottoir et allumé une cigarette. Mon coeur
mécontent s’est remis à battre plus lentement, et mon
souffle l’a suivi à peu de distance. Mon bras souffrait le
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martyre, et j’étais bien conscient que ça durerait des
jours, sinon des semaines, mais au moins j’ai la chance
de savoir fumer des deux mains.
À l’intérieur, j’ai retrouvé Rayner au même endroit,
vautré dans une mare de vomi. S’il n’était pas mort,
il était grièvement blessé et, dans un cas comme dans
l’autre, ça me vaudrait au moins cinq ans. Dix, avec un
rallongement de peine pour mauvaise conduite. Ce qui,
de mon point de vue, est très mauvais.
J’ai déjà fait de la taule, voyez-vous. Seulement trois
semaines, en détention provisoire, mais quand on est
obligé de jouer aux échecs deux fois par jour avec un
supporter de l’équipe de West Ham à tendance monosyllabiqueÞ;
qui a le mot HAINE tatoué sur une main,
et le mot HAINE tatoué sur l’autre mainÞ; qu’en plus il
manque six pions, toutes les tours et deux fous, eh bien
on finit par attacher de l’importance aux petits plaisirs
de l’existence. Comme celui d’éviter la taule, pour
commencer.
Je méditais cela et le reste, je pensais à tous les pays
chauds que je n’avais jamais osé visiter quand j’ai compris
que cette espèce de bruit – des pas prudents, légers,
sur des lattes qui craquent malgré tout – ne venait pas
de mon coeur. Ni de mes poumons, ni d’une quelconque
partie de mon corps endolori. C’était, de fait, un bruit
externe.
Quelqu’un, ou quelque chose, s’efforçait de descendre
silencieusement l’escalier. En vain.
Sans toucher au bouddha par terre, je me suis muni
d’un immonde briquet de table en albâtre avant de me
diriger vers la porte, elle aussi immonde. Comment peuton
fabriquer d’immondes portesÞ? demanderez-vous.
Ah, un certain savoir-faire est sûrement nécessaire mais,
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croyez-moi, les architectes d’intérieur vous pondent ce
genre d’horreur avant le petit-déj’.
Incapable de retenir mon souffle, j’ai attendu
bruyamment. Un interrupteur a cliqueté quelque part,
un instant, avant de recommencer dans l’autre sens.
Une autre porte s’est ouverte. Silence. Rien là-dedans
non plus. S’est refermée. Puis ne bougeons pas. Réfléchissons.
Essayons le salon.
Des frous-frous, des pieds qui traînent sur la moquette
et, sentant brusquement ma main se détendre autour
du briquet en albâtre, je me suis adossé au mur avec
un vague soulagement. Car, même blessé et terrifié
comme je l’étais, j’aurais mis ma tête à couper qu’aucun
boxeur ou nervi ne porte Fleur de fleurs de Nina Ricci.
S’arrêtant à la porte, la fille a balayé la pièce du
regard. Les lampes étaient éteintes mais, avec les rideaux
ouverts, les lumières de la rue éclairaient suffisamment
la scène.
Les yeux de la fille ont trouvé le corps de Rayner, et
j’ai mis une main sur ma bouche.
Nous avons échangé des civilités. Mi-scénario hollywoodien,
mi-bonne société. Elle a commencé à hurler,
puis essayé de me mordre la main. J’ai promis de ne lui
faire aucun mal si elle ne criait pas. Alors elle a crié et
je lui ai fait mal. L’ordinaire, quoi.
Elle a fini par s’asseoir sur le canapé avec un verre
à bière à moitié plein de ce que j’ai pris pour du
brandy (c’était en fait du calvados). Moi, j’affichais
mon air le plus crédible «Þje suis parfaitement sain
d’espritÞ».
J’avais auparavant poussé Rayner sur le flanc, dans
une posture propice au rétablissement, ou ne serait-ce
que pour l’empêcher d’étouffer dans son vomi. Et celui
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de quelqu’un d’autre, tant qu’on y était. La dame a
voulu se lever, le tripoter, vérifier que ça allait – suggérant
oreillers, gant de toilette mouillé, bandages – et je
l’ai priée de rester où elle était. J’avais déjà appelé une
ambulance, le mieux était de laisser ce monsieur tranquille.
Elle s’était mise à trembler légèrement. Des mains
d’abord, serrées autour du verre, puis des coudes et enfin
des épaules, chaque fois un peu plus lorsqu’elle regardait
Rayner. Bien sûr, cela n’est pas anormal lorsqu’on
découvre un alliage de cadavre et de vomi sur le tapis
du salon au milieu de la nuit, mais je ne tenais pas à
ce que ça empire. J’ai allumé une cigarette avec le briquet
en albâtre – même la flamme était immonde – et je
me suis efforcé d’obtenir autant d’informations que
possible avant que, le calvados faisant effet, la dame
m’inonde de questions.
J’avais son visage en triple exemplaireÞ: le premier
dans le cadre en argent, posé sur le manteau de la cheminée,
où elle posait en Ray Ban, suspendue à un tirefessesÞ;
le second sous forme d’un portrait à l’huile,
aussi grand qu’effroyable, accroché près de la fenêtre
(le peintre ne l’aimait sans doute pas beaucoup)Þ; enfin,
sans conteste le meilleur des trois se trouvait sur le
canapé, trois mètres devant moi.
Elle avait dix-neuf ou vingt ans, des épaules carrées
et de longs cheveux bruns qui ondulaient joyeusement
avant de disparaître dans son dos. Hautes et rondes, ses
pommettes avaient une touche orientale, qu’on oubliait
en découvrant ses yeux, ronds également, mais grands
et d’un gris lumineux. Si ça veut dire quelque chose.
Elle portait un déshabillé de soie rouge, ainsi qu’une
élégante pantoufle, décorée de fil d’or au niveau des
orteils. J’ai cherché du regard la seconde dans la pièce
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– sans succès. Peut-être la dame n’avait-elle pas les
moyens de les acheter par paires.
Elle a sorti un chat de sa gorge.
–ÞQui est-ceÞ? a-t-elle demandé.
Avant même qu’elle ouvre la bouche, j’avais deviné
qu’elle était américaine. Elle semblait trop saine
pour un autre pays. Ils les trouvent où, d’ailleurs, leurs
dentsÞ?
–ÞUn certain Rayner, ai-je affirmé, me rendant compte
aussitôt que c’était un peu léger, comme réponse. Un
type très dangereux, ai-je donc ajouté.
–ÞDangereuxÞ?
Cela paraissait l’inquiéter, et elle n’avait pas tort.
Il lui venait sans doute à l’esprit comme moi que, si
cet homme était dangereux, je me situais plus haut
dans cette menaçante hiérarchie. Puisque je l’avais
tué.
–ÞDangereux, ai-je répété, en étudiant attentivement
la demoiselle qui détournait les yeux.
Elle semblait trembler moins, ce qui était bien. Ou
peut-être tremblais-je simultanément, et donc je ne
m’apercevais plus de rien.
–ÞEt euh… Qu’est-ce qu’il fait làÞ? a-t-elle fini par
s’inquiéter. Qu’est-ce qu’il voulaitÞ?
–ÞDifficile à dire.
Pour moi du moins.
–ÞPeut-être cherchait-il de l’argentÞ? ai-je pensé. Ou
l’argenterie…
–ÞMais euh… Il ne vous l’a pas ditÞ? m’a-t-elle coupé
d’une voix soudain sonore. Vous l’avez frappé sans
savoir qui c’étaitÞ? Ni ce qu’il faisait iciÞ?
Malgré le choc, son cerveau semblait marcher fort
bien.
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–ÞJe l’ai frappé parce qu’il a essayé de me tuer. Je
suis comme ça.
J’ai tenté un sourire espiègle, que je n’ai pas trouvé
très efficace en l’apercevant dans le miroir au-dessus de
la cheminée.
–ÞVous êtes comme ça, a-t-elle répété, impitoyable.
Et vous êtes quiÞ?
Voilà autre chose. Il fallait marcher sur des oeufs. La
situation risquait de s’aggraver méchamment.
J’ai essayé un air surpris, voire un tantinet blessé.
–ÞComment, vous ne me reconnaissez pasÞ?
–ÞNon.
–ÞAh. Curieux. Fincham, James Fincham.
J’ai tendu ma main. Comme la demoiselle ne l’a pas
prise, je l’ai passée dans mes cheveux d’un geste nonchalant.
–ÞC’est un nom, a-t-elle répondu. Ça ne me dit pas
qui vous êtes.
–ÞUn ami de votre père.
Elle a réfléchi un instant.
–ÞUne relation d’affairesÞ?
–ÞPlus ou moins.
–ÞPlus ou moins, a-t-elle répété avec une moue. Vous
vous appelez James Fincham, vous êtes plus ou moins
une relation d’affaires, et vous venez plus ou moins de
tuer un homme chez nous.
J’ai incliné la tête, histoire d’indiquer que, oui, nous
vivions vraiment dans un monde affreux.
Elle m’a de nouveau montré ses dents.
–ÞEt c’est toutÞ? Votre CV s’arrête làÞ?
J’ai refait mon espiègle sourire, sans plus de succès.
–ÞAttendez, a-t-elle dit en jetant un coup d’oeil à
Rayner.
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Elle s’est subitement redressée, comme si une idée
lui traversait l’esprit.
–ÞVous n’avez appelé personne, en faitÞ? a-t-elle
continué.
En y repensant maintenant, tout bien considéré, je lui
donnais plutôt vingt-quatre ans.
–ÞVous voulez dire…
Je m’enfonçais.
–ÞJe veux dire qu’aucune ambulance n’arrivera ici.
Mon DieuÞ!
Elle a posé son verre sur la moquette et, se levant,
s’est dirigée vers le téléphone.
–ÞÉcoutez, lui ai-je dit. Avant de faire une bêtise…
J’avançais vers elle, mais je me suis ravisé en la
voyant bondir. Sans doute valait-il mieux ne pas bouger.
Je n’avais pas envie de passer des semaines à extraire
de mes joues des éclats de bakélite noire. À savoir ceux
du combiné téléphonique, pour l’instant entier, qu’elle
avait en main.
–ÞPas un geste, monsieur James Fincham, a-t-elle sifflé
entre ses dents. Cela n’a rien d’une bêtise. J’appelle
une ambulance et j’appelle la police. C’est la procédure
conseillée dans n’importe quel pays. Des gens armés
de grands bâtons vont débarquer pour vous emmener
ailleurs. Tout ce qu’il y a de plus sensé.
–ÞÉcoutez, je n’ai pas été tout à fait franc.
Elle a plissé les yeux. Me comprenez-vous bienÞ? Il
serait plus exact de dire plisser les paupières, mais en
fait on ne les plisse pas, on les ferme à moitié.
Elle a donc plissé les yeux.
–ÞComment ça, «Þpas tout à fait francÞ»Þ? Vous ne
m’avez dit que deux choses. L’une d’elles est fausse ou
c’est les deuxÞ?
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Sans le moindre doute, j’étais acculé. Dans le pétrin.
D’un autre côté, elle n’avait composé que le premier 9
de police secours1.
–ÞJe m’appelle Fincham et je connais réellement votre
père.
–ÞOuais, et il fume quelle marque de cigarettesÞ?
–ÞDes Dunhill.
–ÞIl n’a jamais fumé de sa vie.
Elle avait peut-être vingt-huit ou vingt-neuf ans,
finalement. Trente, dernier carat. J’ai inspiré profondément
pendant que, se détournant, elle composait le deuxième
9.
–ÞD’accord, je ne le connais pas. Mais j’essaie de
l’aider.
–ÞC’est ça, vous êtes venu réparer la douche.
Troisième neuf. Sortir l’atout maître.
–ÞQuelqu’un en veut à ses jours.
Un petit clic et j’ai entendu quelqu’un, quelque part,
demander quel service nous désirions. Éloignant le combiné
de sa bouche, la dame s’est lentement retournée
vers moi.
–ÞQu’avez-vous ditÞ?
J’ai insistéÞ:
–ÞQuelqu’un a décidé de tuer votre père. Je ne sais
pas qui, je ne sais pas pourquoi, et j’ai l’intention de
l’en empêcher. Voilà pourquoi je suis ici.
Elle m’a observé longuement, d’un oeil sévère. Une
horloge – immonde – égrenait les secondes en arrièrefond.
–ÞCet homme, ai-je dit en montrant Rayner, n’y est
pas étranger.
1. 999 en Grande-Bretagne. (Toutes les notes sont du traducteur.)
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Ce qu’elle trouvait injuste, manifestement, Rayner
n’étant pas en position de se défendre. Affectant d’être
aussi perplexe et soucieux qu’elle, j’ai regardé autour
de moi et poursuivi sur un ton plus douxÞ:
–ÞNous n’avons pas eu beaucoup le temps de parler,
donc je ne peux affirmer qu’il soit ici pour ça, mais ce
n’est pas impossible.
Elle m’observait toujours. À l’autre bout du fil,
l’opérateur couinait des «ÞallôÞ» en essayant sûrement
de trouver l’origine de l’appel.
La dame a attendu. QuoiÞ? Mystère.
–ÞUne ambulance, a-t-elle finalement déclaré, avant
de me tourner le dos pour donner son adresse.
Elle a hoché la tête puis, lentement, très lentement,
elle a reposé le combiné sur son support. A suivi un de
ces silences dont on anticipe tout de suite la longueur.
Aussi ai-je dégagé une autre cigarette de mon paquet
pour la lui offrir.
Me rejoignant, elle s’est plantée devant moi. Elle
était plus petite qu’elle avait paru à l’autre bout de la
pièce. Je lui ai souri et elle a pris la cigarette. Sans
l’allumer, elle s’est contentée de jouer avec, puis elle a
braqué deux yeux gris sur moi.
Je dis deux yeux, mais nonÞ: c’était les siens. Elle n’a
pas ouvert un tiroir pour en sortir ceux de quelqu’un
d’autre et les poser sur moi. Non, non, elle me fixait
avec ses deux immenses yeux gris pâle. Ses deux yeux
pâles, immenses et gris. Le genre d’yeux qui pousseraient
un adulte à babiller comme un bébé. Enfin,
ressaisis-toi, bordelÞ!
–ÞVous êtes un menteur, a-t-elle lâché.
Sans peur et sans colère. Platement. Vous êtes un
menteur.
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–ÞD’une façon générale, oui, il m’arrive de mentir,
ai-je admis. Mais à l’instant, précisément, je dis la
vérité.
Elle me dévisageait toujours, comme je le fais parfois
moi-même après m’être rasé. Elle ne semblait pas
avoir de meilleures réponses à fournir que le miroir de
la salle de bains. Puis elle a cligné des yeux, une fois, et
cela a suffi pour changer l’atmosphère. Quelque chose
s’était libéré, ou éteint, ou apaisé. Je me suis senti plus
détendu.
–ÞPourquoi voudrait-on tuer mon pèreÞ?
Sa voix était moins rêche.
–ÞHonnêtement, je l’ignore. Je viens juste d’apprendre
qu’il ne fume pas.
Elle a poursuivi comme si elle ne m’avait pas
entendu.
–ÞEt dites-moi, monsieur Fincham, comment savezvous
qu’on veut le tuerÞ?
Le point le plus délicat. Vraiment épineux. Un cactus
puissance trois.
–ÞParce qu’on m’a proposé de le faire.
Elle avait le souffle coupé. Je veux direÞ: elle a littéralement
arrêté de respirer. Et elle n’avait pas l’air de
vouloir recommencer dans un proche avenir.
J’ai continué aussi calmement que possibleÞ:
–ÞQuelqu’un m’a offert une grosse somme d’argent
pour l’assassiner, ai-je expliqué à la dame qui, incrédule,
fronçait les sourcils. Et j’ai refusé.
Je n’aurais pas dû ajouter ça. Vraiment pas.
Si elle existait, la Troisième loi de Newton sur l’art
de la conversation énoncerait que toute proposition
engendre son contraire. En affirmant que j’avais refusé,
je laissais entendre la possibilité inverse. Ce n’était pas
le genre de chose que je souhaitais voir flotter dans la
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pièce. Cependant mon interlocutrice s’est remise à respirer,
et elle n’avait peut-être pas relevé.
–ÞPourquoiÞ?
–ÞPourquoi quoiÞ?
Elle avait à l’iris gauche un mince filet vert qui partait
de la pupille vers le nord-ouest. Je regardais ses
yeux en m’efforçant de ne pas le faire. J’étais présentement
dans une situation épouvantable. À bien des
points de vue.
–ÞPourquoi avez-vous refuséÞ?
–ÞParce que… ai-je commencé sans finir tout de suite,
car je voulais être absolument clair.
–ÞOuiÞ?
–ÞParce que je ne tue pas les gens.
Elle retournait mes paroles dans sa bouche et le
silence est revenu. Elle a rapidement inspecté le corps
de Rayner.
–ÞJe vous ai dit, lui ai-je rappelé. C’est lui qui a commencé.
Sans arrêter de faire rouler sa cigarette entre ses
doigts, elle m’a encore dévisagé pendant trois siècles.
Alors, perdue dans ses pensées, elle s’est approchée du
canapé.
–ÞSincèrement, ai-je poursuivi, en essayant d’être
maître des circonstances et de moi-même. Je suis un
mec bien. Je donne de l’argent à Oxfam, je recycle les
vieux journaux, tout ce que vous voudrez.
Elle est revenue devant Rayner.
–ÞÇa date de quandÞ?
–ÞEh bien… il y a… un quart d’heure, ai-je balbutié.
Elle a fermé les yeux un instant.
–ÞJe veux direÞ: quand vous a-t-on fait cette propositionÞ?
–ÞAh. Il y a dix jours.
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–ÞOù çaÞ?
–ÞÀ Amsterdam.
–ÞEn HollandeÞ?
Un vrai soulagement. Je me sentais beaucoup mieux.
J’aime bien que, de temps en temps, les jeunes consultent
les vieux, ceux qui savent. Quoique seulement de temps
en temps, car ça deviendrait lassant, autrement.
–ÞOui, en Hollande.
–ÞEt qui vous a proposé çaÞ?
–ÞQuelqu’un que je ne connaissais pas, et que je n’ai
jamais revu.
Se penchant pour récupérer son verre, elle a avalé
une gorgée de calvados qui lui a inspiré une grimace.
–ÞEt je suis censée vous croireÞ?
–ÞEuh…
–ÞVous pourriez m’aider un peu, a-t-elle dit en haussant
de nouveau le ton, le menton pointé vers Rayner.
Je n’ai pas l’impression que ce type, là, confirmerait vos
propos. Alors pourquoi devrais-je vous croireÞ? Parce
que vous avez une bonne gueuleÞ?
Je n’ai pas pu m’empêcher. Je sais, j’aurais dû, mais
je n’ai pas pu.
–ÞPourquoi pasÞ? ai-je répondu de ma voix la plus
charmante. Je suis bien prêt à croire tout ce que vous
dites, moi.
Terrible, terrible, terrible erreur. L’une des remarques
les plus lourdes, les plus grossières, les plus ridicules
que j’ai faites, dans une existence jonchée de remarques
lourdes, ridicules et grossières.
Très irritée, la dame s’est retournée vers moi.
–ÞArrêtez vos conneries tout de suiteÞ!
–ÞJe voulais simplement dire que…
Elle m’a coupé, fort heureusement, car je ne savais
pas ce que j’allais inventer.
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–ÞJ’ai ditÞ: assezÞ! On a un mec en train de crever, làÞ!
J’ai hoché la tête d’un air coupable, et nous nous
sommes tous deux penchés vers le mourant, comme
pour lui présenter nos respects. J’avais soudain l’impression
que la messe était dite, qu’on passait à autre chose.
La fille s’est calmée et m’a tendu son verre.
–ÞJe m’appelle Sarah. Essayez de me trouver un
Coca.
Sarah a fini par avertir la police, qui est arrivée au
moment précis où les ambulanciers plaçaient Rayner
– qui respirait encore, apparemment – sur un brancard.
En toussotant et en se raclant la gorge, les flics ont prélevé
divers objets sur la cheminée, puis regardé sous les
meubles, avec l’expression consommée de ceux qui ne
demandent qu’à se trouver ailleurs.
D’une façon générale, les policiers n’aiment pas
qu’on leur soumette de nouvelles affaires. Non qu’ils
soient paresseux. Comme tout un chacun, ils cherchent
un sens, une logique dans ce grand bazar d’aléas et de
malheurs qui est leur champ d’investigation. Si on les
appelle sur les lieux d’un massacre alors qu’ils essayent
de coffrer un jeune voleur d’enjoliveurs, ils ne peuvent
s’empêcher de jeter un coup d’oeil sous le canapé au cas
où les enjoliveurs seraient là. Ils s’efforcent de découvrir
des faits reliés entre eux, qui leur permettront
d’organiser le chaos, et alors ils se dirontÞ: ceci est la
conséquence de cela. Faute de quoi – s’ils n’ont que des
éléments épars à mettre dans un rapport qui sera classé,
égaré, retrouvé au fond d’un tiroir puis de nouveau
perdu, sans coupable à désigner – eh bien, ils sont
déçus.
Notre histoire les a particulièrement déçus. Nous
avions mis au point un scénario raisonnable, que nous
29
avons récité trois fois de suite à trois agents distincts,
dont le plus haut placé, un inspecteur du nom de Brock,
était d’une jeunesse stupéfiante.
Assis sur le canapé, il jetait de petits coups d’oeil à
ses ongles tandis que ses oreilles juvéniles écoutaient le
récit de l’intrépide James Fincham, proche de la famille,
qui séjournait au premier étage dans la chambre d’amis.
Entendu bruits, descendu prudemment en bas pour me
rendre compte, tombé sur individu louche en col roulé
et veste en cuir noirs, non, encore jamais vu, bagarre,
chute, oh mon Dieu, touché à la tête. Sarah Woolf, date
de naissance 29Þaoût 1964, perçu bruits de lutte, descendue,
a tout vu. Quelque chose à boire, inspecteurÞ? ThéÞ?
PamprylÞ?
De toute évidence, le décor aidait. Aurions-nous
débité la même histoire dans un logement HLM de
Deptford, nous nous serions retrouvés aussi sec dans le
panier à salade, où nous aurions prié quelques musclés
à cheveux ras de ne pas nous marcher sur la tête. Mais
derrière les façades de stuc des vertes allées de Belgravia,
les flics sont plutôt enclins à vous croire. Ça doit
être compris dans la taxe d’habitation.
Pendant que nous signions nos déclarations, ils nous
ont priés de ne pas quitter le pays sans informer le commissariat
du quartier, et nous ont encouragés à faire
bien gentiment ce qu’on nous demanderait, quand on
nous le demanderait.
Deux heures après sa tentative infructueuse de me casser
le bras, il ne restait plus de Rayner, prénom inconnu,
qu’une odeur.
J’ai fait quelques pas dehors, où la douleur est revenue
occuper le devant de la scène. J’ai allumé une cigarette
avant de prendre à gauche dans une petite allée
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pavée où un bâtiment, transformé en maison d’habitation,
avait jadis servi d’écurie. Pour y loger aujourd’hui,
il faudrait être un cheval extrêmement riche. Mais ça
sentait encore vaguement le crottin, c’est pourquoi
j’avais garé ma moto là, devant un seau d’avoine, avec
un peu de paille fraîche sous la roue arrière.
Elle était à l’endroit où je l’avais laissée, ce qui
peut paraître banal, mais il ne faut pas s’y fier. Entre
motards, on est toujours heureux de mentionner les
lieux sombres où l’on retrouve son véhicule, le cadenas
et l’alarme intacts, une heure après l’y avoir laissé. Plus
particulièrement lorsqu’il s’agit d’une Kawasaki ZZR
1100.
Je ne nierai pas que, à Pearl Harbor, les Japonais ont
violé tous les articles du code militaire, et que leurs
préparations culinaires à base de poisson manquent
d’imagination – mais, bon sang, ils savent deux ou trois
choses en matière de motocyclettes. Tournez la poignée
de l’accélérateur sur n’importe quel rapport, et vous
aurez les yeux précipités au fond du crâne. D’accord, ce
n’est pas le genre de sensation qu’on recherche d’habitude
en se déplaçant d’un point à un autre, mais j’ai
gagné cette moto au backgammon, sur un coup de bol
extraordinaire, et j’en profite tant que je peux. Elle est
grosse, elle est noire et, tout pékin que vous êtes, elle
vous ouvre les portes des lointaines galaxies.
J’ai démarré le moteur, l’ai fait rugir ce qu’il fallait
pour réveiller les gras financiers de Belgravia, et en
route pour Notting Hill. À vitesse réduite à cause de la
pluie, j’avais tout le temps de réfléchir aux événements.
Pendant que je zigzaguais dans les rues glissantes
sous l’éclairage jaunâtre, une chose me restait en têteÞ:
Sarah me disant d’arrêter «Þmes conneriesÞ». Parce qu’il
y avait un moribond dans la pièce.
J’ai repenséÞ: conversation newtonienne. L’affirmation
contraire étant que j’aurais pu continuer, s’il n’y
avait pas eu le moribond.
Ça m’a remonté le moral. Je me suis dit que, si je ne
me débrouillais pas pour nous réunir à nouveau quelque
part, juste elle et moi, sans personne à l’agonie, alors je
ne m’appelais pas James Fincham.
Ce qui, bien sûr, n’est pas mon nom.
Hugh Laurie
TOUT EST
SOUS CONTRÔLE
R O M A N
T r a d u i t d e l ’ a n g l a i s
p a r J e a n - L u c P i n i n g r e
Sonatine Éditions
T E X T E I N T É GR A L
T I T R E O R I G I N A L
The Gun Seller
© Hugh Laurie, 1996
ISBN 978-2-7578-1412-3
(ISBN 978-2-35584-027-2, 1reÞpublication)
© Sonatine, 2009, pour la traduction française
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