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Docteur House

  • Tout est sous contrôle Hugh Laurie Docteur House

    Tout est sous contrôleHugh Laurie Voir tout son univers

    • Roman (poche). Paru en 05/2010

    Pour acheter le livre

     

    Tout comme le Dr House, Thomas Lang a un caractère de chien. Mais c’est un type bien. Quand on lui propose 100 000 dollars pour tuer un riche homme d’affaires, non seulement il a l’indécence de refuser mais il tente en plus de prévenir la future victime. Une bonne intention ? L’enfer en est pavé.
    Hugh Laurie, né en 1959 à Oxford, est l’acteur principal de la célèbre série Dr House. C’est sous pseudonyme qu’il a envoyé à un éditeur anglais le manuscrit de Tout est sous contrôle, son premier roman.
    « Une réjouissante comédie policière » Libération
    « Un ton si sarcastique qu’on jurerait qu’il est signé du Dr House en personne. » Le Parisien
    Traduit de l’anglais par Jean-Luc Piningre

    "Tout comme le Dr House, Thomas Lang a un caractère de chien. Mais c’est un type bien. Quand on lui propose 100 000 dollars pour tuer un riche homme d’affaires, non seulement il a l’indécence de refuser mais il tente en plus de prévenir la future victime. Une bonne intention ? L’enfer en est pavé.

    Hugh Laurie, né en 1959 à Oxford, est l’acteur principal de la célèbre série Dr House. C’est sous pseudonyme qu’il a envoyé à un éditeur anglais le manuscrit de Tout est sous contrôle, son premier roman.

    « Une réjouissante comédie policière » Libération 
    « Un ton si sarcastique qu’on jurerait qu’il est signé du Dr House en personne. » Le Parisien 
    Traduit de l’anglais par Jean-Luc Piningre"

    EXTRAIT DU LIVRE :

    11

    1

    J’ai vu un homme, ce matin,

    Qui ne voulait pas mourir

    P. S.ÞSTEWART

    Imaginez que vous deviez casser le bras de quelqu’un.

    Le gauche ou le droit, aucune importance, la question

    étant de passer à l’acte, faute de quoi… enfin,

    qu’importe également. Disons seulement que, sinon, ça

    risque d’aller mal.

    Le problème est en réalité le suivantÞ: allez-vous

    au plus vite – cracÞ! oh, désolé, laissez-moi vous mettre

    une attelle, monsieur – ou faites-vous traîner l’affaire

    pendant huit bonnes minutes, en procédant par minuscules

    poussées, certes de plus en plus fortes, jusqu’à ce

    que la douleur devienne verte et rose, glacée, brûlante,

    et finalement insupportable au point de le faire gueuler

    comme un veauÞ?

    Eh oui, bien sûr. C’est évident. La chose à faire, la

    seule chose à faire, c’est d’en finir le plus rapidement

    possible. Cassez-moi ce bras, payez la tournée, soyez

    un bon citoyen.

    À moins que.

    Que, que, que…

    12

    Et si vous détestiez la personne au bout dudit brasÞ?

    Ou, plus précisémentÞ: si vous la haïssiez graveÞ?

    Je devais maintenant y réfléchir.

    Je dis maintenant, mais en réalité je veux parler d’un

    moment passéÞ; le moment situé une fraction de seconde

    – quelle fraction, cependantÞ! – avant que mon poignet

    arrive aux environs de ma nuque, et que mon humérus

    gauche se brise en deux éléments plus ou moins faciles

    à recoller. Deux, voire beaucoup plus.

    Parce que le bras dont on discute, voyez, c’est le

    mien. Pas le bras abstrait de quelque philosophe. L’os,

    la peau, les poils, la petite cicatrice blanche à la pointe

    du coude, cadeau d’un radiateur à accumulation de

    l’école primaire de Gateshill – tout ça, c’est à moi. C’est

    aussi le moment où je me demande si cet homme dans

    mon dos, qui me serre le poignet et le pousse avec un

    zèle quasi érotique en haut de ma colonne vertébrale…

    eh bien, si cet homme ne me haïrait pas. S’il ne me hait

    pas carrément.

    Car il n’en finit pas.

    Nom de famille Rayner. Prénom inconnu. Enfin moi,

    je ne sais pas et, par conséquent et de toute manière,

    vous non plus.

    Je suppose que quelqu’un, quelque part, le connaît

    – l’a baptisé ainsi, l’a gueulé dans l’escalier à l’heure

    du petit-déj’, lui a appris à l’épeler – et d’autres l’ont

    certainement crié dans un bar pour lui offrir un verre,

    ou murmuré pendant l’amour, ou l’ont inscrit dans la

    bonne case d’un formulaire d’assurance-vie. Je sais

    qu’ils ont fait ça. J’ai juste un peu de mal à me le représenter.

    13

    Rayner avait sans doute une dizaine d’années de

    plus que moi. Ce qui ne pose en soi aucun problème.

    J’entretiens des relations chaleureuses, sans bras cassés,

    avec quantité de personnes de cet âge. Pour l’ensemble

    des gens admirables, d’ailleurs. Mais il était en outre

    plus grand de sept centimètres, plus lourd de vingt-cinq

    kilos et, en unités de violence, disons au moins huit de

    plus que moi. Plus laid aussi qu’un parking, avec un

    grand crâne chauve, plein de creux et de bosses, qui

    ressemblait à un ballon rempli de clés à molette. Il avait

    également un nez de boxeur, qu’un tiers encore avait

    probablement aplati de la main gauche (ou du pied

    gauche), et qui serpentait sous un front mal dégrossi.

    Dieu tout-puissant, quel frontÞ! Chacun en leur temps,

    briques, couteaux, bouteilles et divers arguments rationnels

    avaient rebondi sur cette vaste surface en ne laissant

    que d’infimes empreintes entre des pores profonds

    et très espacés. Les pores les plus profonds et les plus

    espacés que je pense avoir jamais remarqués sur une

    peau humaine. Ça me rappelait le golf municipal de

    Dalbeattie à la fin du long été sec de 1976.

    Sur les côtés, nous découvrons que les oreilles de

    Rayner ont jadis été mordues, arrachées et remises en

    place, la gauche étant franchement à l’envers, ou sens

    dessus dessous, suffisamment pour qu’on l’observe

    un certain temps avant de conclureÞ: «ÞAh oui, c’est une

    oreilleÞ!Þ»

    Par-dessus tout ça, au cas où vous n’auriez pas pigé,

    il portait une veste en cuir noir sur un col roulé de

    même couleur.

    Mais, bien sûr, vous aviez pigé. Il aurait pu s’envelopper

    de soie miroitante et mettre des orchidées dans

    ses cheveux, les passants inquiets l’auraient payé avant

    14

    de se poser la question de savoir s’ils lui devaient de

    l’argent.

    En ce qui me concerne, je ne lui en devais pas. Rayner

    fait partie d’un groupe très sélect à qui je ne dois

    rien du tout et, si ça s’était passé un peu mieux entre

    nous, je lui aurais suggéré, à lui et ses semblables,

    d’adopter un style de cravate particulier, comme les

    membres d’un même club. Avec pour motif des chemins

    qui se croisent, peut-être.

    Mais comme je l’ai déjà dit, ça se passait mal.

    Un certain Cliff, professeur manchot de combat à

    mains nues (oui, je sais, il n’en avait qu’une, de main,

    mais la vie est comme ça, très rarement) m’a appris que

    la douleur est une chose qu’on s’inflige à soi-même. On

    peut nous faire toutes sortes de misères – nous frapper,

    nous poignarder, essayer de nous casser le bras –, mais

    la douleur, nous la créons tout seuls. Et donc, selon

    Cliff qui, après deux semaines au Japon, se croyait

    autorisé à vendre de telles conneries au prix fort, on

    est toujours capable de la faire cesser. Une veuve de

    cinquante-cinq ans l’ayant tué depuis au cours d’une

    bagarre dans un pub, je ne pense plus avoir l’occasion

    de lui souffler dans les bronches.

    La douleur est une réalité. Quand elle vous tombe

    dessus, vous vous débrouillez au mieux.

    Mon seul avantage était que, jusque-là, je n’avais

    produit aucun bruit.

    Il ne s’agit pas de courage, comprenez bien, tout simplement

    je n’en avais pas trouvé le temps. Jusqu’alors,

    Rayner et moi avions rebondi sur les murs et les meubles

    dans un silence viril émaillé de sueur, en lâchant

    quelques grognements pour indiquer que nous étions

    15

    concentrés. Toutefois, à cinq secondes de l’évanouissement

    ou de la fracture, il était temps d’introduire un élément

    nouveau, et émettre un son fut la seule chose qui

    me traversât l’esprit.

    Donc, respirant profondément par le nez, je rapprochai

    celui-ci autant que possible du visage de mon

    agresseur, je retins un instant mon souffle, puis je poussai

    ce que les artistes martiaux japonais appellent un

    kiai, que vous définiriez sans doute par «Þbruit retentissantÞ

    » – ça ne serait pas trop tiré par les cheveux –, mais

    un cri d’une intensité à ce point aveuglante, choquante,

    «Þputain mais qu’est-ce que c’étaitÞ?Þ», que j’en fus le

    premier effrayé.

    L’effet sur Rayner fut celui escompté puisque, se

    déportant malgré lui sur le côté, il a relâché mon bras

    pendant un douzième de seconde. J’en ai profité pour

    lui balancer un méchant coup de boule, assez fort pour

    sentir le cartilage de son nez s’ajuster sur l’arrière de

    mon crâne, tandis qu’une moiteur soyeuse se répandait

    sur mon scalp. Levant alors le talon vers son entrejambe

    pour lui racler l’intérieur de la cuisse, j’ai fait

    connaissance avec un appareil génital d’une taille quand

    même impressionnante. À la fin du douzième de

    seconde, Rayner ne me tenait plus du tout le bras, et je

    me suis rendu compte que j’étais en nage.

    Me détachant de lui en dansant sur la pointe des

    pieds comme un vieux saint-bernard, j’ai cherché autour

    de moi quelque chose qui me serve d’arme.

    Ce tournoi pro-semi-pro d’un seul round (un quart

    d’heure) avait pour cadre un petit salon de mauvais

    goût à Belgravia. Comme tous ses confrères, à chaque

    fois sans exception, l’architecte d’intérieur avait fait un

    travail absolument épouvantable mais, à cet instant, son

    penchant pour les objets lourds et portatifs s’accordait

    16

    bien avec le mien. Jetant mon dévolu sur le bouddha

    de quarante-cinq centimètres qui ornait la cheminée,

    j’ai découvert avec plaisir que ses ridicules esgourdes

    offraient une prise satisfaisante à ma seule main valide.

    Agenouillé par terre, Rayner vomissait tripes et boyaux

    sur le tapis chinois, dont les couleurs s’amélioraient à

    vue d’oeil. J’ai pris position, un peu d’élan et, me ruant

    sournoisement sur lui, j’ai frappé l’os tendre derrière

    l’oreille gauche avec le socle de la statuette. Le choc a

    produit un son mat, de ceux que seuls émettent les tissus

    humains dans ce cas, et Rayner a roulé sur le flanc.

    Je ne me suis pas donné la peine de vérifier s’il respirait

    encore. Cruel, peut-être, mais c’est ainsi.

    J’ai essuyé quelques gouttes de transpiration sur mon

    visage en me rendant dans le couloir. J’ai prêté attention

    aux bruits bien que, s’il y en avait eu dans la maison

    ou au-dehors, je ne les aurais pas entendus, puisque

    mon coeur jouait les marteaux-piqueurs. Ou peut-être y

    avait-il un vrai marteau-piqueur dehors mais, dans ce

    cas, j’étais trop occupé à aspirer de grosses valises d’air

    pour le remarquer.

    Ouvrant la porte d’entrée, j’ai senti une petite bruine

    froide me tomber dessus, se mélanger avec ma sueur,

    adoucir la douleur dans mon bras, et tout diluer au passage.

    J’ai fermé les yeux et laissé l’eau ruisseler sur

    ma peau. C’était une des choses les plus agréables qui

    me fussent arrivées à ce jour. Vous me direz que j’ai

    mené une existence misérable – je vous répondrai que

    le contexte a ses raisons.

    Refermant la porte sans la verrouiller, j’ai fait quelques

    pas sur le trottoir et allumé une cigarette. Mon coeur

    mécontent s’est remis à battre plus lentement, et mon

    souffle l’a suivi à peu de distance. Mon bras souffrait le

    17

    martyre, et j’étais bien conscient que ça durerait des

    jours, sinon des semaines, mais au moins j’ai la chance

    de savoir fumer des deux mains.

    À l’intérieur, j’ai retrouvé Rayner au même endroit,

    vautré dans une mare de vomi. S’il n’était pas mort,

    il était grièvement blessé et, dans un cas comme dans

    l’autre, ça me vaudrait au moins cinq ans. Dix, avec un

    rallongement de peine pour mauvaise conduite. Ce qui,

    de mon point de vue, est très mauvais.

    J’ai déjà fait de la taule, voyez-vous. Seulement trois

    semaines, en détention provisoire, mais quand on est

    obligé de jouer aux échecs deux fois par jour avec un

    supporter de l’équipe de West Ham à tendance monosyllabiqueÞ;

    qui a le mot HAINE tatoué sur une main,

    et le mot HAINE tatoué sur l’autre mainÞ; qu’en plus il

    manque six pions, toutes les tours et deux fous, eh bien

    on finit par attacher de l’importance aux petits plaisirs

    de l’existence. Comme celui d’éviter la taule, pour

    commencer.

    Je méditais cela et le reste, je pensais à tous les pays

    chauds que je n’avais jamais osé visiter quand j’ai compris

    que cette espèce de bruit – des pas prudents, légers,

    sur des lattes qui craquent malgré tout – ne venait pas

    de mon coeur. Ni de mes poumons, ni d’une quelconque

    partie de mon corps endolori. C’était, de fait, un bruit

    externe.

    Quelqu’un, ou quelque chose, s’efforçait de descendre

    silencieusement l’escalier. En vain.

    Sans toucher au bouddha par terre, je me suis muni

    d’un immonde briquet de table en albâtre avant de me

    diriger vers la porte, elle aussi immonde. Comment peuton

    fabriquer d’immondes portesÞ? demanderez-vous.

    Ah, un certain savoir-faire est sûrement nécessaire mais,

    18

    croyez-moi, les architectes d’intérieur vous pondent ce

    genre d’horreur avant le petit-déj’.

    Incapable de retenir mon souffle, j’ai attendu

    bruyamment. Un interrupteur a cliqueté quelque part,

    un instant, avant de recommencer dans l’autre sens.

    Une autre porte s’est ouverte. Silence. Rien là-dedans

    non plus. S’est refermée. Puis ne bougeons pas. Réfléchissons.

    Essayons le salon.

    Des frous-frous, des pieds qui traînent sur la moquette

    et, sentant brusquement ma main se détendre autour

    du briquet en albâtre, je me suis adossé au mur avec

    un vague soulagement. Car, même blessé et terrifié

    comme je l’étais, j’aurais mis ma tête à couper qu’aucun

    boxeur ou nervi ne porte Fleur de fleurs de Nina Ricci.

    S’arrêtant à la porte, la fille a balayé la pièce du

    regard. Les lampes étaient éteintes mais, avec les rideaux

    ouverts, les lumières de la rue éclairaient suffisamment

    la scène.

    Les yeux de la fille ont trouvé le corps de Rayner, et

    j’ai mis une main sur ma bouche.

    Nous avons échangé des civilités. Mi-scénario hollywoodien,

    mi-bonne société. Elle a commencé à hurler,

    puis essayé de me mordre la main. J’ai promis de ne lui

    faire aucun mal si elle ne criait pas. Alors elle a crié et

    je lui ai fait mal. L’ordinaire, quoi.

    Elle a fini par s’asseoir sur le canapé avec un verre

    à bière à moitié plein de ce que j’ai pris pour du

    brandy (c’était en fait du calvados). Moi, j’affichais

    mon air le plus crédible «Þje suis parfaitement sain

    d’espritÞ».

    J’avais auparavant poussé Rayner sur le flanc, dans

    une posture propice au rétablissement, ou ne serait-ce

    que pour l’empêcher d’étouffer dans son vomi. Et celui

    19

    de quelqu’un d’autre, tant qu’on y était. La dame a

    voulu se lever, le tripoter, vérifier que ça allait – suggérant

    oreillers, gant de toilette mouillé, bandages – et je

    l’ai priée de rester où elle était. J’avais déjà appelé une

    ambulance, le mieux était de laisser ce monsieur tranquille.

    Elle s’était mise à trembler légèrement. Des mains

    d’abord, serrées autour du verre, puis des coudes et enfin

    des épaules, chaque fois un peu plus lorsqu’elle regardait

    Rayner. Bien sûr, cela n’est pas anormal lorsqu’on

    découvre un alliage de cadavre et de vomi sur le tapis

    du salon au milieu de la nuit, mais je ne tenais pas à

    ce que ça empire. J’ai allumé une cigarette avec le briquet

    en albâtre – même la flamme était immonde – et je

    me suis efforcé d’obtenir autant d’informations que

    possible avant que, le calvados faisant effet, la dame

    m’inonde de questions.

    J’avais son visage en triple exemplaireÞ: le premier

    dans le cadre en argent, posé sur le manteau de la cheminée,

    où elle posait en Ray Ban, suspendue à un tirefessesÞ;

    le second sous forme d’un portrait à l’huile,

    aussi grand qu’effroyable, accroché près de la fenêtre

    (le peintre ne l’aimait sans doute pas beaucoup)Þ; enfin,

    sans conteste le meilleur des trois se trouvait sur le

    canapé, trois mètres devant moi.

    Elle avait dix-neuf ou vingt ans, des épaules carrées

    et de longs cheveux bruns qui ondulaient joyeusement

    avant de disparaître dans son dos. Hautes et rondes, ses

    pommettes avaient une touche orientale, qu’on oubliait

    en découvrant ses yeux, ronds également, mais grands

    et d’un gris lumineux. Si ça veut dire quelque chose.

    Elle portait un déshabillé de soie rouge, ainsi qu’une

    élégante pantoufle, décorée de fil d’or au niveau des

    orteils. J’ai cherché du regard la seconde dans la pièce

    20

    – sans succès. Peut-être la dame n’avait-elle pas les

    moyens de les acheter par paires.

    Elle a sorti un chat de sa gorge.

    –ÞQui est-ceÞ? a-t-elle demandé.

    Avant même qu’elle ouvre la bouche, j’avais deviné

    qu’elle était américaine. Elle semblait trop saine

    pour un autre pays. Ils les trouvent où, d’ailleurs, leurs

    dentsÞ?

    –ÞUn certain Rayner, ai-je affirmé, me rendant compte

    aussitôt que c’était un peu léger, comme réponse. Un

    type très dangereux, ai-je donc ajouté.

    –ÞDangereuxÞ?

    Cela paraissait l’inquiéter, et elle n’avait pas tort.

    Il lui venait sans doute à l’esprit comme moi que, si

    cet homme était dangereux, je me situais plus haut

    dans cette menaçante hiérarchie. Puisque je l’avais

    tué.

    –ÞDangereux, ai-je répété, en étudiant attentivement

    la demoiselle qui détournait les yeux.

    Elle semblait trembler moins, ce qui était bien. Ou

    peut-être tremblais-je simultanément, et donc je ne

    m’apercevais plus de rien.

    –ÞEt euh… Qu’est-ce qu’il fait làÞ? a-t-elle fini par

    s’inquiéter. Qu’est-ce qu’il voulaitÞ?

    –ÞDifficile à dire.

    Pour moi du moins.

    –ÞPeut-être cherchait-il de l’argentÞ? ai-je pensé. Ou

    l’argenterie…

    –ÞMais euh… Il ne vous l’a pas ditÞ? m’a-t-elle coupé

    d’une voix soudain sonore. Vous l’avez frappé sans

    savoir qui c’étaitÞ? Ni ce qu’il faisait iciÞ?

    Malgré le choc, son cerveau semblait marcher fort

    bien.

    21

    –ÞJe l’ai frappé parce qu’il a essayé de me tuer. Je

    suis comme ça.

    J’ai tenté un sourire espiègle, que je n’ai pas trouvé

    très efficace en l’apercevant dans le miroir au-dessus de

    la cheminée.

    –ÞVous êtes comme ça, a-t-elle répété, impitoyable.

    Et vous êtes quiÞ?

    Voilà autre chose. Il fallait marcher sur des oeufs. La

    situation risquait de s’aggraver méchamment.

    J’ai essayé un air surpris, voire un tantinet blessé.

    –ÞComment, vous ne me reconnaissez pasÞ?

    –ÞNon.

    –ÞAh. Curieux. Fincham, James Fincham.

    J’ai tendu ma main. Comme la demoiselle ne l’a pas

    prise, je l’ai passée dans mes cheveux d’un geste nonchalant.

    –ÞC’est un nom, a-t-elle répondu. Ça ne me dit pas

    qui vous êtes.

    –ÞUn ami de votre père.

    Elle a réfléchi un instant.

    –ÞUne relation d’affairesÞ?

    –ÞPlus ou moins.

    –ÞPlus ou moins, a-t-elle répété avec une moue. Vous

    vous appelez James Fincham, vous êtes plus ou moins

    une relation d’affaires, et vous venez plus ou moins de

    tuer un homme chez nous.

    J’ai incliné la tête, histoire d’indiquer que, oui, nous

    vivions vraiment dans un monde affreux.

    Elle m’a de nouveau montré ses dents.

    –ÞEt c’est toutÞ? Votre CV s’arrête làÞ?

    J’ai refait mon espiègle sourire, sans plus de succès.

    –ÞAttendez, a-t-elle dit en jetant un coup d’oeil à

    Rayner.

    22

    Elle s’est subitement redressée, comme si une idée

    lui traversait l’esprit.

    –ÞVous n’avez appelé personne, en faitÞ? a-t-elle

    continué.

    En y repensant maintenant, tout bien considéré, je lui

    donnais plutôt vingt-quatre ans.

    –ÞVous voulez dire…

    Je m’enfonçais.

    –ÞJe veux dire qu’aucune ambulance n’arrivera ici.

    Mon DieuÞ!

    Elle a posé son verre sur la moquette et, se levant,

    s’est dirigée vers le téléphone.

    –ÞÉcoutez, lui ai-je dit. Avant de faire une bêtise…

    J’avançais vers elle, mais je me suis ravisé en la

    voyant bondir. Sans doute valait-il mieux ne pas bouger.

    Je n’avais pas envie de passer des semaines à extraire

    de mes joues des éclats de bakélite noire. À savoir ceux

    du combiné téléphonique, pour l’instant entier, qu’elle

    avait en main.

    –ÞPas un geste, monsieur James Fincham, a-t-elle sifflé

    entre ses dents. Cela n’a rien d’une bêtise. J’appelle

    une ambulance et j’appelle la police. C’est la procédure

    conseillée dans n’importe quel pays. Des gens armés

    de grands bâtons vont débarquer pour vous emmener

    ailleurs. Tout ce qu’il y a de plus sensé.

    –ÞÉcoutez, je n’ai pas été tout à fait franc.

    Elle a plissé les yeux. Me comprenez-vous bienÞ? Il

    serait plus exact de dire plisser les paupières, mais en

    fait on ne les plisse pas, on les ferme à moitié.

    Elle a donc plissé les yeux.

    –ÞComment ça, «Þpas tout à fait francÞ»Þ? Vous ne

    m’avez dit que deux choses. L’une d’elles est fausse ou

    c’est les deuxÞ?

    23

    Sans le moindre doute, j’étais acculé. Dans le pétrin.

    D’un autre côté, elle n’avait composé que le premier 9

    de police secours1.

    –ÞJe m’appelle Fincham et je connais réellement votre

    père.

    –ÞOuais, et il fume quelle marque de cigarettesÞ?

    –ÞDes Dunhill.

    –ÞIl n’a jamais fumé de sa vie.

    Elle avait peut-être vingt-huit ou vingt-neuf ans,

    finalement. Trente, dernier carat. J’ai inspiré profondément

    pendant que, se détournant, elle composait le deuxième

    9.

    –ÞD’accord, je ne le connais pas. Mais j’essaie de

    l’aider.

    –ÞC’est ça, vous êtes venu réparer la douche.

    Troisième neuf. Sortir l’atout maître.

    –ÞQuelqu’un en veut à ses jours.

    Un petit clic et j’ai entendu quelqu’un, quelque part,

    demander quel service nous désirions. Éloignant le combiné

    de sa bouche, la dame s’est lentement retournée

    vers moi.

    –ÞQu’avez-vous ditÞ?

    J’ai insistéÞ:

    –ÞQuelqu’un a décidé de tuer votre père. Je ne sais

    pas qui, je ne sais pas pourquoi, et j’ai l’intention de

    l’en empêcher. Voilà pourquoi je suis ici.

    Elle m’a observé longuement, d’un oeil sévère. Une

    horloge – immonde – égrenait les secondes en arrièrefond.

    –ÞCet homme, ai-je dit en montrant Rayner, n’y est

    pas étranger.

    1. 999 en Grande-Bretagne. (Toutes les notes sont du traducteur.)

    24

    Ce qu’elle trouvait injuste, manifestement, Rayner

    n’étant pas en position de se défendre. Affectant d’être

    aussi perplexe et soucieux qu’elle, j’ai regardé autour

    de moi et poursuivi sur un ton plus douxÞ:

    –ÞNous n’avons pas eu beaucoup le temps de parler,

    donc je ne peux affirmer qu’il soit ici pour ça, mais ce

    n’est pas impossible.

    Elle m’observait toujours. À l’autre bout du fil,

    l’opérateur couinait des «ÞallôÞ» en essayant sûrement

    de trouver l’origine de l’appel.

    La dame a attendu. QuoiÞ? Mystère.

    –ÞUne ambulance, a-t-elle finalement déclaré, avant

    de me tourner le dos pour donner son adresse.

    Elle a hoché la tête puis, lentement, très lentement,

    elle a reposé le combiné sur son support. A suivi un de

    ces silences dont on anticipe tout de suite la longueur.

    Aussi ai-je dégagé une autre cigarette de mon paquet

    pour la lui offrir.

    Me rejoignant, elle s’est plantée devant moi. Elle

    était plus petite qu’elle avait paru à l’autre bout de la

    pièce. Je lui ai souri et elle a pris la cigarette. Sans

    l’allumer, elle s’est contentée de jouer avec, puis elle a

    braqué deux yeux gris sur moi.

    Je dis deux yeux, mais nonÞ: c’était les siens. Elle n’a

    pas ouvert un tiroir pour en sortir ceux de quelqu’un

    d’autre et les poser sur moi. Non, non, elle me fixait

    avec ses deux immenses yeux gris pâle. Ses deux yeux

    pâles, immenses et gris. Le genre d’yeux qui pousseraient

    un adulte à babiller comme un bébé. Enfin,

    ressaisis-toi, bordelÞ!

    –ÞVous êtes un menteur, a-t-elle lâché.

    Sans peur et sans colère. Platement. Vous êtes un

    menteur.

    25

    –ÞD’une façon générale, oui, il m’arrive de mentir,

    ai-je admis. Mais à l’instant, précisément, je dis la

    vérité.

    Elle me dévisageait toujours, comme je le fais parfois

    moi-même après m’être rasé. Elle ne semblait pas

    avoir de meilleures réponses à fournir que le miroir de

    la salle de bains. Puis elle a cligné des yeux, une fois, et

    cela a suffi pour changer l’atmosphère. Quelque chose

    s’était libéré, ou éteint, ou apaisé. Je me suis senti plus

    détendu.

    –ÞPourquoi voudrait-on tuer mon pèreÞ?

    Sa voix était moins rêche.

    –ÞHonnêtement, je l’ignore. Je viens juste d’apprendre

    qu’il ne fume pas.

    Elle a poursuivi comme si elle ne m’avait pas

    entendu.

    –ÞEt dites-moi, monsieur Fincham, comment savezvous

    qu’on veut le tuerÞ?

    Le point le plus délicat. Vraiment épineux. Un cactus

    puissance trois.

    –ÞParce qu’on m’a proposé de le faire.

    Elle avait le souffle coupé. Je veux direÞ: elle a littéralement

    arrêté de respirer. Et elle n’avait pas l’air de

    vouloir recommencer dans un proche avenir.

    J’ai continué aussi calmement que possibleÞ:

    –ÞQuelqu’un m’a offert une grosse somme d’argent

    pour l’assassiner, ai-je expliqué à la dame qui, incrédule,

    fronçait les sourcils. Et j’ai refusé.

    Je n’aurais pas dû ajouter ça. Vraiment pas.

    Si elle existait, la Troisième loi de Newton sur l’art

    de la conversation énoncerait que toute proposition

    engendre son contraire. En affirmant que j’avais refusé,

    je laissais entendre la possibilité inverse. Ce n’était pas

    le genre de chose que je souhaitais voir flotter dans la

    26

    pièce. Cependant mon interlocutrice s’est remise à respirer,

    et elle n’avait peut-être pas relevé.

    –ÞPourquoiÞ?

    –ÞPourquoi quoiÞ?

    Elle avait à l’iris gauche un mince filet vert qui partait

    de la pupille vers le nord-ouest. Je regardais ses

    yeux en m’efforçant de ne pas le faire. J’étais présentement

    dans une situation épouvantable. À bien des

    points de vue.

    –ÞPourquoi avez-vous refuséÞ?

    –ÞParce que… ai-je commencé sans finir tout de suite,

    car je voulais être absolument clair.

    –ÞOuiÞ?

    –ÞParce que je ne tue pas les gens.

    Elle retournait mes paroles dans sa bouche et le

    silence est revenu. Elle a rapidement inspecté le corps

    de Rayner.

    –ÞJe vous ai dit, lui ai-je rappelé. C’est lui qui a commencé.

    Sans arrêter de faire rouler sa cigarette entre ses

    doigts, elle m’a encore dévisagé pendant trois siècles.

    Alors, perdue dans ses pensées, elle s’est approchée du

    canapé.

    –ÞSincèrement, ai-je poursuivi, en essayant d’être

    maître des circonstances et de moi-même. Je suis un

    mec bien. Je donne de l’argent à Oxfam, je recycle les

    vieux journaux, tout ce que vous voudrez.

    Elle est revenue devant Rayner.

    –ÞÇa date de quandÞ?

    –ÞEh bien… il y a… un quart d’heure, ai-je balbutié.

    Elle a fermé les yeux un instant.

    –ÞJe veux direÞ: quand vous a-t-on fait cette propositionÞ?

    –ÞAh. Il y a dix jours.

    27

    –ÞOù çaÞ?

    –ÞÀ Amsterdam.

    –ÞEn HollandeÞ?

    Un vrai soulagement. Je me sentais beaucoup mieux.

    J’aime bien que, de temps en temps, les jeunes consultent

    les vieux, ceux qui savent. Quoique seulement de temps

    en temps, car ça deviendrait lassant, autrement.

    –ÞOui, en Hollande.

    –ÞEt qui vous a proposé çaÞ?

    –ÞQuelqu’un que je ne connaissais pas, et que je n’ai

    jamais revu.

    Se penchant pour récupérer son verre, elle a avalé

    une gorgée de calvados qui lui a inspiré une grimace.

    –ÞEt je suis censée vous croireÞ?

    –ÞEuh…

    –ÞVous pourriez m’aider un peu, a-t-elle dit en haussant

    de nouveau le ton, le menton pointé vers Rayner.

    Je n’ai pas l’impression que ce type, là, confirmerait vos

    propos. Alors pourquoi devrais-je vous croireÞ? Parce

    que vous avez une bonne gueuleÞ?

    Je n’ai pas pu m’empêcher. Je sais, j’aurais dû, mais

    je n’ai pas pu.

    –ÞPourquoi pasÞ? ai-je répondu de ma voix la plus

    charmante. Je suis bien prêt à croire tout ce que vous

    dites, moi.

    Terrible, terrible, terrible erreur. L’une des remarques

    les plus lourdes, les plus grossières, les plus ridicules

    que j’ai faites, dans une existence jonchée de remarques

    lourdes, ridicules et grossières.

    Très irritée, la dame s’est retournée vers moi.

    –ÞArrêtez vos conneries tout de suiteÞ!

    –ÞJe voulais simplement dire que…

    Elle m’a coupé, fort heureusement, car je ne savais

    pas ce que j’allais inventer.

    28

    –ÞJ’ai ditÞ: assezÞ! On a un mec en train de crever, làÞ!

    J’ai hoché la tête d’un air coupable, et nous nous

    sommes tous deux penchés vers le mourant, comme

    pour lui présenter nos respects. J’avais soudain l’impression

    que la messe était dite, qu’on passait à autre chose.

    La fille s’est calmée et m’a tendu son verre.

    –ÞJe m’appelle Sarah. Essayez de me trouver un

    Coca.

    Sarah a fini par avertir la police, qui est arrivée au

    moment précis où les ambulanciers plaçaient Rayner

    – qui respirait encore, apparemment – sur un brancard.

    En toussotant et en se raclant la gorge, les flics ont prélevé

    divers objets sur la cheminée, puis regardé sous les

    meubles, avec l’expression consommée de ceux qui ne

    demandent qu’à se trouver ailleurs.

    D’une façon générale, les policiers n’aiment pas

    qu’on leur soumette de nouvelles affaires. Non qu’ils

    soient paresseux. Comme tout un chacun, ils cherchent

    un sens, une logique dans ce grand bazar d’aléas et de

    malheurs qui est leur champ d’investigation. Si on les

    appelle sur les lieux d’un massacre alors qu’ils essayent

    de coffrer un jeune voleur d’enjoliveurs, ils ne peuvent

    s’empêcher de jeter un coup d’oeil sous le canapé au cas

    où les enjoliveurs seraient là. Ils s’efforcent de découvrir

    des faits reliés entre eux, qui leur permettront

    d’organiser le chaos, et alors ils se dirontÞ: ceci est la

    conséquence de cela. Faute de quoi – s’ils n’ont que des

    éléments épars à mettre dans un rapport qui sera classé,

    égaré, retrouvé au fond d’un tiroir puis de nouveau

    perdu, sans coupable à désigner – eh bien, ils sont

    déçus.

    Notre histoire les a particulièrement déçus. Nous

    avions mis au point un scénario raisonnable, que nous

    29

    avons récité trois fois de suite à trois agents distincts,

    dont le plus haut placé, un inspecteur du nom de Brock,

    était d’une jeunesse stupéfiante.

    Assis sur le canapé, il jetait de petits coups d’oeil à

    ses ongles tandis que ses oreilles juvéniles écoutaient le

    récit de l’intrépide James Fincham, proche de la famille,

    qui séjournait au premier étage dans la chambre d’amis.

    Entendu bruits, descendu prudemment en bas pour me

    rendre compte, tombé sur individu louche en col roulé

    et veste en cuir noirs, non, encore jamais vu, bagarre,

    chute, oh mon Dieu, touché à la tête. Sarah Woolf, date

    de naissance 29Þaoût 1964, perçu bruits de lutte, descendue,

    a tout vu. Quelque chose à boire, inspecteurÞ? ThéÞ?

    PamprylÞ?

    De toute évidence, le décor aidait. Aurions-nous

    débité la même histoire dans un logement HLM de

    Deptford, nous nous serions retrouvés aussi sec dans le

    panier à salade, où nous aurions prié quelques musclés

    à cheveux ras de ne pas nous marcher sur la tête. Mais

    derrière les façades de stuc des vertes allées de Belgravia,

    les flics sont plutôt enclins à vous croire. Ça doit

    être compris dans la taxe d’habitation.

    Pendant que nous signions nos déclarations, ils nous

    ont priés de ne pas quitter le pays sans informer le commissariat

    du quartier, et nous ont encouragés à faire

    bien gentiment ce qu’on nous demanderait, quand on

    nous le demanderait.

    Deux heures après sa tentative infructueuse de me casser

    le bras, il ne restait plus de Rayner, prénom inconnu,

    qu’une odeur.

    J’ai fait quelques pas dehors, où la douleur est revenue

    occuper le devant de la scène. J’ai allumé une cigarette

    avant de prendre à gauche dans une petite allée

    30

    pavée où un bâtiment, transformé en maison d’habitation,

    avait jadis servi d’écurie. Pour y loger aujourd’hui,

    il faudrait être un cheval extrêmement riche. Mais ça

    sentait encore vaguement le crottin, c’est pourquoi

    j’avais garé ma moto là, devant un seau d’avoine, avec

    un peu de paille fraîche sous la roue arrière.

    Elle était à l’endroit où je l’avais laissée, ce qui

    peut paraître banal, mais il ne faut pas s’y fier. Entre

    motards, on est toujours heureux de mentionner les

    lieux sombres où l’on retrouve son véhicule, le cadenas

    et l’alarme intacts, une heure après l’y avoir laissé. Plus

    particulièrement lorsqu’il s’agit d’une Kawasaki ZZR

    1100.

    Je ne nierai pas que, à Pearl Harbor, les Japonais ont

    violé tous les articles du code militaire, et que leurs

    préparations culinaires à base de poisson manquent

    d’imagination – mais, bon sang, ils savent deux ou trois

    choses en matière de motocyclettes. Tournez la poignée

    de l’accélérateur sur n’importe quel rapport, et vous

    aurez les yeux précipités au fond du crâne. D’accord, ce

    n’est pas le genre de sensation qu’on recherche d’habitude

    en se déplaçant d’un point à un autre, mais j’ai

    gagné cette moto au backgammon, sur un coup de bol

    extraordinaire, et j’en profite tant que je peux. Elle est

    grosse, elle est noire et, tout pékin que vous êtes, elle

    vous ouvre les portes des lointaines galaxies.

    J’ai démarré le moteur, l’ai fait rugir ce qu’il fallait

    pour réveiller les gras financiers de Belgravia, et en

    route pour Notting Hill. À vitesse réduite à cause de la

    pluie, j’avais tout le temps de réfléchir aux événements.

    Pendant que je zigzaguais dans les rues glissantes

    sous l’éclairage jaunâtre, une chose me restait en têteÞ:

    Sarah me disant d’arrêter «Þmes conneriesÞ». Parce qu’il

    y avait un moribond dans la pièce.

    J’ai repenséÞ: conversation newtonienne. L’affirmation

    contraire étant que j’aurais pu continuer, s’il n’y

    avait pas eu le moribond.

    Ça m’a remonté le moral. Je me suis dit que, si je ne

    me débrouillais pas pour nous réunir à nouveau quelque

    part, juste elle et moi, sans personne à l’agonie, alors je

    ne m’appelais pas James Fincham.

    Ce qui, bien sûr, n’est pas mon nom.

    Hugh Laurie

    TOUT EST

    SOUS CONTRÔLE

    R O M A N

    T r a d u i t d e l ’ a n g l a i s

    p a r J e a n - L u c P i n i n g r e

    Sonatine Éditions

    T E X T E I N T É GR A L

    T I T R E O R I G I N A L

    The Gun Seller

    © Hugh Laurie, 1996

    ISBN 978-2-7578-1412-3

    (ISBN 978-2-35584-027-2, 1reÞpublication)

    © Sonatine, 2009, pour la traduction française

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